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Histoire et évolution des lois sur les soins palliatifs

Histoire et évolution des lois sur les soins palliatifs et l’accompagnement.

Être au service des malades et des mourants est déjà énoncé dans le serment d’Hippocrate.  C’est un devoir qui s’inscrit depuis l’Antiquité et qui incombait alors aux familles et aux proches. 

Au Moyen Âge, l’accompagnement des mourants, tout particulièrement des indigents, est très lié à l’Eglise et est notamment la vocation des confréries de la bonne mort et des Hôtels Dieu. À partir de Louis XIV, ce sera celui de l’hôpital général. 

Au XIX siècle, plusieurs confréries religieuses s’impliquent plus particulièrement dans cette pratique : en France, entre autres, l’œuvre  des Dames du Calvaire, les Oblates de l’Eucharistie, les Diaconesses de Reuilly, en Grande Bretagne les Sœurs Irlandaises de la Charité. L’encadrement de l’activité médicale et hospitalière s’inspire de la philosophie des Lumières et de la pensée de philosophes tels que Francis Bacon : le rôle des médecins et des personnels de soins ne se cantonne pas aux seuls soins thérapeutiques, ils doivent aussi prendre soin des patients.

Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et plus encore avant le début du XXe siècle, la mort est omniprésente. L’espérance de vie à la naissance est de 30 ans en 1800, 50 ans en 1900 ; la fin de vie n’est donc pas appréhendée de la même façon qu’aujourd’hui.

La seconde moitié du XXème siècle est marquée par des progrès médicaux fulgurants et par une facilitation du recours à la médecine et à l’accès aux soins. La pratique médicale est de plus en plus technicisée, la mort est de plus en plus considérée ipso facto comme un échec. Elle survient dans les 3/4 des cas au sein d’un établissement de soins. Ces progrès entraînent aussi des situations d’acharnement thérapeutique, d’ignorance de la prise en charge de la douleur et de manque d’écoute des patients et de leurs proches. Ils font alors émerger des initiatives et un militantisme pour les soins palliatifs et l’accompagnement. Une nouvelle solidarité revendique de redonner une place à la fin de la vie et à la mort dans la vie sociale et d’accompagner les personnes et leur entourage de façon globale et personnalisée dans ces moments de vulnérabilité. Il s’agit aussi de ne pas considérer les personnes sous le seul angle de la maladie, de la pathologie et des traitements… et de les remettre au centre des soins. Émergent dans cette mouvance plusieurs courants issus de l’algologie, de la cancérologie, de la gériatrie, de l’infectiologie, de la neurologie, de la réanimation, de la psychologie, de la psychanalyse, des sciences sociales, de l’histoire des mentalités et plus encore… Ces savoirs vont s’enrichir les uns les autres au plan national et international.

Dans les années 70-80, les ouvrages anglo-saxons relatifs aux soins palliatifs sont diffusés en France et permettent des connections entre des équipes françaises et des écoles anglaises, canadiennes, américaines, italiennes, suisses. Dame Cicely Saunders, Pr Twycross, Pr Geoffrey Hanks,  Pr Balfour Mount, Dr Elisabeth Kübler Ross,  Pr Bonica. Pr Ventafridda : la liste des précurseurs des soins palliatifs est loin d’être exhaustive.

Le travail de Cicely Saunders sur le développement des soins palliatifs a notamment une répercussion dans le monde entier. Elle met au point des protocoles antalgiques, divulgue l’efficacité des morphiniques par voie orale, décode les composantes multiples de la douleur, introduit le concept de « total pain » en soulignant l’intrication de la douleur physique, des souffrances psychologiques, sociales et spirituelles. En 1967 dans la banlieue de Londres, elle fonde le St Christopher’s Hospice autour d’une équipe interdisciplinaire dans laquelle professionnels et bénévoles sont inclus dans un même projet thérapeutique. Le projet repose sur un triptyque indissociable : le soin, la formation, la recherche. Rapidement, elle crée un service d’accompagnement à domicile et une structure d’aide aux personnes en deuil.

Aux USA en 1969, Elisabeth Kübler Ross  publie On death and Dying  à propos des réactions psychologiques des malades face à la mort. Cet ouvrage sera traduit sous le titre Les derniers instants de la vie

A Montréal le professeur Balfourt Mount crée en 1974 la 1ère Unité de soins palliatifs (USP) en milieu universitaire et choisit cette appellation dont avons hérités en France.

Ces différents modèles de prise en charge à l’étranger génèrent un intérêt de premier ordre chez les soignants français. Les visites sur le terrain, la lecture des articles anglo-saxons ou les congrès sont autant d’aide pour les équipes françaises désireuses de créer des structures spécifiques de soins palliatifs.

Dans ce contexte, le mouvement associatif pour le développement des soins palliatifs se développe sur tout le territoire français. Des associations de bénévoles telles que les ASP et Pierre Clément (qui ont fondé le mouvement Être-là), JALMALV, Albatros, Alliance ou Rivages se créent pour accompagner les patients et leurs proches aux côtés des soignants, et pour mobiliser la société civile autour de la cause des soins palliatifs. Dans le même temps, des initiatives hospitalières ponctuelles dans le domaine germent çà et là et des soignants se réunissent pour partager compétences et expériences, développer la recherche et donner corps à une première offre de soins palliatifs. A partir de 1989, la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins palliatifs) va fédérer tous ces acteurs et jouer un rôle majeur dans l’évolution des lois, de la recherche et de l’offre de soins.

En 1985 est créé par voie ministérielle un groupe de travail intitulé aide au mourants sous la responsabilité de Geneviève Laroque. Ce groupe de travail sera à l’origine de la Circulaire relative à l’organisation des Soins et à l’Accompagnement des malades en phase terminale qui paraît le 26 août 1986.  Elle est la reconnaissance officielle des soins palliatifs, elle donnera une impulsion considérable à l’essor du mouvement.

Suit la loi hospitalière du 31 juillet 1991 qui reconnaît les soins palliatifs comme une mission des hôpitaux.

Le rapport Delbecque paraît en janvier 1993. Il est le premier document officiel sur le développement des soins palliatifs en France. Il dresse un état des lieux et énonce quatre-vingt-huit propositions concernant l’organisation des soins palliatifs, le contrôle de la douleur, la formation et le soutien des soignants, la place des bénévoles, la prise en charge des patients à domicile et en milieu hospitalier. 

Ces premières étapes de structuration du mouvement des soins palliatifs marquent le passage du militantisme à l’élaboration d’une discipline médico-sociale qui se constitue dans les années 90 et reste toujours en devenir. Apparaît dès lors le concept de médecine palliative avec toute sa spécificité.

C’est en réaction aux travers de la médecine triomphante des 30 glorieuses (mais également dans le refus de l’euthanasie et de l’intention de donner la mort) que s’est bâtie la réflexion préalable à la traduction des concepts de soins palliatifs dans la loi française. Dans une vision utopique de la santé parfaite, il apparaissait parfois que tout ce qui était possible était souhaitable. En réaction à des situations d’acharnement thérapeutique, ont émergé une revendication sociétale du droit à gérer sa vie et sa mort, une remise en cause du paternalisme médical et la reconnaissance du principe éthique d’autonomie faisant du patient un sujet et non un objet de soins. 

De manière concomitante s’est imposé le rejet d’une forme de dolorisme ambiant (la douleur est le prix à payer de la guérison). Ces réflexions rencontrent donc les concepts anglo-saxons autour du mouvement des hospices. C’est ce que traduit la circulaire Laroque de 1986. 

Mais il faut ensuite attendre plus de 10 ans pour que le concept de soins palliatifs soit inscrit dans la loi. Après un rapport du CES en 1998 et sous l’impulsion de Lucien Neuwirth, la loi d’avril 99 est une pierre importante dans l’édifice législatif. 

Elle consacre notamment :

  • La définition (toujours en vigueur) de ce que sont les soins palliatifs (Cf. art 1110 al 10 du Code de Santé Publique) : des soins à domicile ou en institution visant à lutter contre la douleur, tous les symptômes d’inconfort, la souffrance psychique, et à soutenirles proches.
  • Le droit àrecevoir des soins palliatifs pour tout patient dont l‘état le requiert.
  • Le droit pour les patients de refuser un traitement.
  • Elle précise égalementle rôle des bénévoles d’accompagnement et inscrit les soins palliatifs dans le cadre des politiques de santé. 

La loi de mars 2002 sur les droits des malades ne porte que de manière marginale sur la fin de vie, mais aborde néanmoins 2 notions très importantes : l’importance du respect de l’autonomie de décision du malade et la fin (du moins théorique) d’une certaine forme de paternalisme médical en imposant un nécessaire dialogue entre le médecin et le malade. Elle crée aussi la notion de personne de confiance qui est la personne désignée par le patient pour l’accompagner dans ses relations avec le corps médical, par exemple lors des consultations, et à qui il ne peut être opposé le secret des informations.

La loi dite Leonetti d’avril 2005 est un virage essentiel des dispositifs français sur la fin de vie. Elle va d’abord inverser les devoirs du médecin dans les situations de fin de vie. Il n’est plus obligé de maintenir la vie à tout prix mais il doit soulager à tout prix. La loi de 2005 renforce l’interdiction faite aux médecins de se rendre coupables d’une forme d’acharnement thérapeutique (que la loi appelle obstination déraisonnable). Elle définit cet acharnement par des actes inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Elle donne au patient le droit de refuser tous traitements qu’il juge inadaptés. Elle lui permet d’exprimer ce refus de manière anticipée au cas où il ne serait plus capable de l’exprimer en rédigeant des directives anticipées et/ou en désignant une personne de confiance. Elle élargit donc la place de la personne de confiance en lui reconnaissant le rôle de témoin des volontés du patient qui la désigne. La loi de 2005 institue comme une règle indispensable à la décision médicale la notion de discussion pluri professionnelle. Si c’est toujours le médecin en charge du patient qui décide, il ne peut le faire qu’après discussion avec les autres professionnels de santé.

Une mission parlementaire d’évaluation du dispositif conduit à des aménagements par voie réglementaire en 2008. Mais c’est dans les suites de l’élection présidentielle de 2012 que va être rédigée ce qui deviendra la loi dite Claeys-Leonetti de février 2016. Cette nouvelle loi complète et précise la loi de 2005. Elle va porter sur : 

  • Le droit à ne pas subir d’acharnement thérapeutique
  • Le droit à voir respecterson refus de tel ou tel acte médical 
  • Le droit à être soulagé en fin de vie, quelles que soient les circonstances y compris les plus complexes. C’est dans ce cadre qu’est précisé le droit dans certaines circonstances précises de choisir de « dormir plutôt que de souffrir avant de mourir »,c’est-à-dire la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès pour des patients dont la mort est très proche (échéance estimée à quelques jours).

Ainsi la France s’est dotée en l’espace de 20 ans d’un dispositif législatif précis et complet affirmant des droits importants pour les patients en fin de vie. Ce dispositif se situe entre, d’une part, l’option prise par un nombre restreint de pays autour de l’euthanasie / la mort médicalement provoquée et/ou l’assistance médicalisée au suicide, et ,d’autre part, l’option du maintien de la vie à tout prix qui a longtemps été la règle et qui reste en vigueur dans d’autres pays qui n’ont pas encore évolué vers de nouvelles dispositions. 

L’ouverture en 2022 d’une consultation citoyenne sur la fin de vie et de plusieurs missions parlementaires sur le sujet sont aussi l’occasion de relire cette évolution légale, d’en évaluer les apports, les limites et l’application, avant de proposer d’éventuelles nouvelles dispositions.

Rédigé grâce au concours du Docteur Bernard Devalois et du Docteur Michel Salamagne, dans le cadre de leurs interventions pour le MOOC d’Être-là « Se former aux soins palliatifs »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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