Les pionniers français et l’émergence des soins palliatifs et du bénévolat
Monique Tavernier, infirmière pendant la guerre, puis médecin anesthésiste, témoin de l’acharnement thérapeutique et des euthanasies clandestines dans les hôpitaux et Françoise Dissart, haut fonctionnaire et auditrice à l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN) sollicitent Jean Faveris, contrôleur général des Armées. Aidés d’amis convaincus, ils souhaitent créer une association pour le développement des soins palliatifs basée sur une charte qui en définirait les objectifs et l’éthique, à savoir :
- soulager la souffrance des malades en fin de vie par des traitements adaptés est l’affaire des soignants ;
- développer l’accompagnement en sélectionnant et en formant des bénévoles est l’affaire de tous les citoyens volontaires ;
- promouvoir les soins palliatifs dans la société
Un comité médical est constitué, réunissant des spécialistes reconnus dans diverses disciplines au-delà du cancer, pour rédiger la charte. Basée sur l’adhésion à ce texte fondateur, la création de l’Association d’accompagnement et de développement des soins palliatifs, l’ASP, se produit en 1984. Jean Faveris en est le président. À la même époque, le professeur René Schaerer crée à Grenoble l’association Jusqu’à la mort accompagner la vie (JALMAV), qui partage les mêmes objectifs.
Par ailleurs, un groupe de travail « Aide aux mourants » institué par Edmond Hervé, ministre de la Santé et Geneviève Laroque, haut fonctionnaire, aboutit en 1986 à une circulaire ministérielle : « Organisation des soins et accompagnement des malades en phase terminale ».
L’ASP souhaite créer une Unité de Soins Palliatifs (USP) à Paris. C’est la direction de l’hôpital international de l’Université de Paris, « la Cité U », qui s’engage à l’accueillir et le docteur Maurice Abiven, interne, accepte avec enthousiasme d’en prendre la responsabilité.
Grâce à la générosité de nombreux donateurs, des fonds sont réunis pour assurer le financement de l’aménagement du service : des locaux lumineux et fonctionnels pour les professionnels, douze chambres d’hospitalisation accueillantes et un large espace pour les familles et pour les bénévoles.
Par ailleurs, l’ASP entreprend le recrutement et la formation des futurs bénévoles qui interviendront dans cette unité. Mais les démarches administratives et les travaux prennent du temps et l’équipe, prête dès 1985, s’impatiente. Pierre Lenoir, vice-président de l’ASP et ancien médecin-chef de l’hôpital d’instruction des armées Percy, contacte son successeur Jean Kermarec. Ce dernier sollicite le chef de service de pneumologie Philippe Allard, membre du comité médical de l’ASP. Celui-ci accepte d’accueillir les bénévoles de l’association à Percy.
En 1987, la première unité de soins palliatifs de France est enfin inaugurée par le président de la République, dont la psychologue est Marie de Hennezel, pionnière des soins palliatifs. Les bénévoles s’intègrent rapidement aux côtés des professionnels et apportent un lien social, une présence et une écoute aux malades et à leurs proches, en respectant leur engagement de discrétion et de non jugement. Les malades accueillis sont en phase avancée ou terminale. La durée moyenne de séjour est de trois semaines.
À l’AP-HP, en 1989, le professeur Robert Zittoun, hématologue à l’Hôtel-Dieu, obtient la création d’une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) expérimentale, richement dotée en personnels et en bénévoles, pour répondre aux besoins internes de l’hôpital et proposer des formations aux soins palliatifs dans les autres établissements de l’AP-HP. En 1990, une USP de dix lits dirigée par la docteure Michèle Salamagne, anesthésiste, ouvre à l’hôpital Paul-Brousse dans des locaux neufs avec une équipe de bénévoles de l’ASP. Des diplômes universitaires ouverts aux professionnels et aux bénévoles se créent. Des livres de formation aux soins palliatifs et des témoignages de professionnels sont publiés.
Du partage d’expériences entre JALMALV et l’ASP nait l’idée d’un collectif qui regrouperait tous les acteurs impliqués dans les soins palliatifs : médecins, soignants, psychologues, travailleurs sociaux, bénévoles d’accompagnement, tous répartis en collèges.
La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) est ainsi créée en 1989.
La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) est ainsi créée en 1989. C’est un organisme de réflexion et de recherche sur les soins palliatifs et leur organisation, et plus largement sur les problèmes éthiques touchant à la fin de vie. À ce titre, elle intervient comme conseil et est consultée par les autorités publiques et ministérielles.
Peu à peu, la connaissance des soins palliatifs progresse chez les soignants et les bénévoles sont sollicité par les équipes de services traitant des pathologies graves : médecine interne, réanimation, cancérologie, par les équipes de gériatrie et dans les Ehpad.
L’autorisation de la présence des bénévoles repose sur une convention signée entre l’ASP et la structure de soins qui les accueille. C’est l’essor des soins palliatifs et sur tout le territoire des associations de bénévoles sont créées sur le modèle de l’ASP et adoptent sa charte. L’ASP propose de les réunir et l’Union nationale des ASP (UNASP) est fondée en 1990 et l’ASP-Fondatrice (nouvelle appellation de l’ASP) la préside.
L’apparition du sida, mortel à cette époque, renforce le besoin de développer des structures d’accompagnement des malades en fin de vie. En 1994, l’AP-HP décide de créer des EMSP dans les hôpitaux où ces malades sont pris en charge et dans lesquels le personnel est formé aux soins palliatifs. Là encore, les bénévoles sont présents aux côtés des professionnels.
À la fin du 19ème siècle, l’UNASP regroupe 67 ASP. L’ASP-fondatrice compte 500 bénévoles, répartis en 37 équipes intervenant dans 36 établissements et à domicile.
L’ASP-fondatrice, désireuse de faire connaître les soins palliatifs, lance en 2019 le premier MOOC francophone sur les soins palliatifs, gratuit et accessible à tous. C’est un succès et plus de 40 000 personnes s’y inscrivent.
Parallèlement, l’ASP-Fondatrice et l’UNASP, face aux évolutions de la société, décident de lancer un nouveau projet national afin de mieux répondre à leur vocation sociale et d’insuffler une dynamique nouvelle à l’accompagnement bénévole en soins palliatifs.
C’est la naissance, en 2022, de Être-là qui se propose de relancer le développement du bénévolat d’accompagnement, en diversifiant le recrutement, en élargissant les lieux et les modes d’accompagnement et en se faisant davantage connaître.
À ces initiatives émanant de milieu privé et public répondent des décisions gouvernementales débouchant
- le 26 août 1986, sur une circulaire relative à « l’organisation des soins et de l’accompagnement des malades en phase terminale » ;
- En 1995, sur la loi hospitalière revenant sur la nécessité de la prise en charge de la douleur dans les établissements de santé publics ou privés ;
- Puis le 9 juin 1999, sur la loi présentée par Bernard Kouchner, visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, et faisant des soins palliatifs un droit pour tout malade où qu’il soit, en institution ou au domicile. Par ailleurs, elle prévoit le droit à un congé d’accompagnement pour un proche de malade faisant l’objet de soins palliatifs.
De plus en plus, les soins palliatifs ne sont plus seulement considérés comme des soins terminaux mais s’appliquent aussi à des malades confrontés à une menace de mort. Ainsi en est-il de malades atteints de cancers évolués, mais susceptibles de répondre pour un temps à une thérapeutique à visée curative, voire de connaître une guérison.
- La loi Leonetti de 2005 puis la loi Claeys – Leonetti de 2016 sont venues renforcer le droit des malades en fin de vie dans le choix de l’arrêt thérapeutique et de la limitation des traitements, en s’inscrivant contre l’obstination déraisonnable, après que le malade (ou la personne de confiance) a entendu l’avis clair et répété du corps médical.
La sédation, sommeil anesthésique réversible est admise dans des conditions précises, dans le cadre de souffrances réfractaires.
Le contrat de confiance unissant malades et médecins reste le garant d’une « bonne médecine ».